LKB - Bose-Einstein condensates

 

Etape 1 : spectroscopie et collisions dans les gaz rares par pompage optique

Compte tenu de ma familiarité avec les techniques de la physique nucléaire, le premier sujet qui m’a été confié pour ma thèse a été la mesure de moments magnétiques nucléaires d’atomes radioactifs polarisés par pompage optique. J’ai ensuite changé de trajectoire en amorçant une solide collaboration avec Franck Laloë, avec lequel j’ai monté une petite équipe consacrée initialement à diverses études de collisions et de spectroscopie dans les gaz rares soumis à des décharges.

 

Etape 2 : fluides quantiques polarisés à basse température, laser LNA, magnétomètres à hélium, cibles nucléaires polarisées

Avec cette équipe j’ai décidé d’étudier les effets de statistique quantique liés à l’indiscernabilité des particules dans l’3He polarisé à basse température. Après la mise au point de la théorie de l’orientation nucléaire de l’3He par pompage optique, nous avons réussi la mise en évidence expérimentale d’ondes de spin dans un gaz dilué d’atomes froids d’3He et démontré la modification des propriétés de transport du gaz, en particulier la conduction de la chaleur, sous l’effet de la polarisation des spins des noyaux. Ce domaine m’a entraînée à développer de nouveaux lasers infrarouges pour le pompage optique de l’hélium, non commerciaux à cette époque. En particulier j’ai découvert et construit des lasers à solide de LNA, ensuite utilisés pendant une quinzaine d’années par près de 50 laboratoires travaillant avec les atomes d’hélium. Dans les années 1980 j’ai poursuivi une collaboration avec un laboratoire à Caen sur la magnétométrie à hélium, pour laquelle j’ai déposé plusieurs brevets. J’ai aussi mis à profit ces avancées, en collaboration avec Ernst Otten à Mayence, pour développer des cibles de gaz d’3He polarisé et comprimé en vue d’applications à la physique nucléaire et à la neutronique, en particulier à l’ILL à Grenoble.

 

Etape 3: le gaz d’hélium métastable refroidi par laser, condensation de Bose-Einstein, photo-association, métrologie

En 1993 j’ai rejoint l’équipe « atomes froids » dirigée par Claude Cohen Tannoudji, reprenant le montage construit par Alain Aspect pour le refroidissement d’4He gazeux dans l’état métastable triplet. Avec une riche équipe comportant de nombreux doctorants et post-doctorants, j’ai d’abord mis en évidence le mécanisme de refroidissement au-delà de la limite du recul, interprété par un mécanisme de statistiques de Lévy. J’ai ensuite reconstruit totalement le montage expérimental afin d’obtenir de fortes densités de gaz très froid d’4He métastable, ce qui a permis d’observer la condensation de Bose-Einstein du gaz en février 2001, suivie par diverses études sur la dynamique de la condensation dans le mode hydrodynamique. Après 2002 l’expérience s’est enrichie des méthodes de la photo-association. Ceci a permis la production de molécules ultra-froides géantes par collisions assistées par laser, ainsi qu’une détermination très précise de la longueur de diffusion déduite des résonances noires ultra fines ainsi obtenues. Enfin des mesures de spectroscopie ont été réalisées en collaboration avec un laboratoire à Amsterdam, reliant les spectres singulet et triplet de l’atome d’hélium et testant les calculs de QED.

 

Etape 3 bis : imagerie des poumons par IRM avec de l’3He hyperpolarisé

Simultanément je me suis impliquée dans l’Imagerie par Résonance Magnétique (IRM) avec de l’3He nucléairement polarisé par pompage optique. Ce procédé, imaginé avec Ernst Otten, consiste à utiliser le gaz hyperpolarisé, puis comprimé comme initialement prévu pour les cibles nucléaires, pour le faire inhaler par un volontaire en apnée et enregistrer l’image IRM de ses poumons. L’objectif est d’étudier la ventilation pendant l’absorption du gaz et d’effectuer des mesures de l’état des cavités pulmonaires par diffusion du gaz hyperpolarisé. A partir de 1996 nous avons montré la faisabilité inattendue de la méthode et son intérêt pour les diagnostics des pathologies pulmonaires. J’ai introduit ce domaine de recherche avec Pierre-Jean Nacher au Laboratoire Kastler-Brossel et j’ai été coordinatrice d’un réseau européen PHIL dans le domaine de la santé sur l’IRM avec hélium appliquée à l’emphysème. Depuis 2005 ce domaine est aussi développé au LKB avec l’équipe « fluides quantiques ».