Disparition de Bernard Cagnac

Le Laboratoire Kastler Brossel, ses collègues et amis ont la profonde tristesse d’annoncer le décès de Bernard Cagnac, survenu mercredi 3 juillet.

Bernard Cagnac a eu une carrière scientifique exemplaire dans le domaine de la physique atomique, en développant des méthodes spectroscopiques qui ont ouvert un domaine entier de recherche autour des mesures optiques de précision métrologique. Après sa thèse au cours de laquelle il a réalisé les premières expériences de pompage optique sous la direction conjointe d’Alfred Kastler et Jean Brossel, Bernard Cagnac est nommé maître de conférences puis professeur à Orsay, avant de revenir en 1967 au laboratoire. Il y arrive au moment où s’ouvre le nouveau site de la Faculté des Sciences de Paris, à la place de l’ancienne Halle aux Vins à Jussieu. Il s’installe ainsi dans de nouveaux locaux, devenant l’un des « pères fondateurs » du laboratoire sur ce site, qui représente aujourd’hui la moitié de l’effectif.

L’avènement des lasers à colorants va lui permettre de développer des idées très originales et de lancer une nouvelle ligne de recherche basée sur les transitions atomiques multiphotoniques. La méthode de spectroscopie à deux photons sans élargissement Doppler qu’il a proposée et mise en œuvre a été utilisée extensivement pour étudier l’hydrogène atomique et pour réaliser des mesures parmi les plus précises de certaines constantes fondamentales comme la constante de Rydberg. Il a fondé puis a été responsable pendant de nombreuses années de l’équipe « Métrologie des systèmes simples et tests fondamentaux ». Ses travaux ont initié de nombreux progrès expérimentaux et théoriques dans le domaine des mesures optiques métrologiques, encore renouvelés récemment par les mesures sur le rayon de charge du proton.

Bernard Cagnac était également un pédagogue hors-pair. Très apprécié du fait de son dynamisme et de son enthousiasme, il a formé des générations d’étudiants à la physique atomique. Il savait rendre très concrètes des notions difficiles, en réalisant des montages expérimentaux qu’il utilisait pendant ses cours ou lors des visites qu’il organisait autour des expériences laser du laboratoire. Il était précis et rigoureux dans ses formulations comme en témoignent les deux ouvrages de physique qu’il a coécrit sur la physique atomique et les lasers. Plus récemment, il a rassemblé des souvenirs et écrit deux ouvrages qui nous sont aujourd’hui très précieux, l’un sur Alfred Kastler, prix Nobel de physique 1966, l’autre sur les trois physiciens Henri Abraham, Eugène Bloch et Georges Bruhat, fondateurs du laboratoire de physique de l’ENS.

Son engagement pour la communauté et notamment pour l’université était exemplaire. Très concerné par l’enseignement de la physique expérimentale, il est à l’origine du centre d’instrumentation laser à Jussieu, projet qu’il a défendu pendant des années avant qu’il ne soit réalisé. Précurseur, il s’est impliqué pour l’insertion professionnelle des étudiants en créant ce qui s’appellerait aujourd’hui un Master Pro. Généreux, il savait prendre la défense des intérêts des étudiants par exemple lorsqu’il a été directeur du CIES de Jussieu (Centres d’Initiation à l’Enseignement Supérieur). Il a également été président de la Société Française de Physique en 1980-1981, membre du premier Comité National d’évaluation des Universités sous la présidence de Laurent Schwartz en 1985-1989, président de l’Institut d’Optique de 1990 à 2000, président de l’EGAS (Groupe Européen de Spectroscopie Atomique) de 1980 à 1982.

Tous ceux qui ont bien connu Bernard Cagnac, jusqu’à il y a quelques années où il venait encore souvent au laboratoire, gardent de lui le souvenir d’un homme passionné, curieux de science et curieux de tout, un ami au caractère jovial et dont la passion et la joie de vivre étaient très communicatives.

Nos pensées vont à sa femme Janine, à ses enfants et à toute sa famille.

Antoine Heidmann et l’équipe de recherche de Bernard Cagnac


Ses obsèques ont eu lieu le mardi 9 juillet, une messe a été donnée à 14h en l’Eglise Saint-Martin d’Olivet dans le Loiret. 

L’inhumation a eu lieu le mercredi 10 juillet à 11 heures au cimetière familial de Treignac en Corrèze.