L’ion hydrogène moléculaire entre dans le jeu de la détermination des constantes fondamentales

La molécule HD+, composée d’un proton, d’un deutéron et d’un électron, est avec ses isotopes tels que H2+ ou D2+ la molécule la plus simple, ce qui en fait un outil privilégié pour tester notre compréhension de la nature et déterminer certaines constantes fondamentales, à l’instar des études menées sur l’atome d’hydrogène.

Ces molécules permettent d’explorer des paramètres physiques supplémentaires. Par exemple, comme la fréquence de vibration d’une molécule dépend de la masse de ses noyaux, la comparaison théorie-expérience sur des transitions vibrationnelles peut être utilisée pour déterminer ces masses.

Utilisant ce principe, une collaboration entre des chercheurs de la Vrije Universiteit (Amsterdam), du LKB et du Joint Institute for Nuclear Research (Dubna, Russie) a déterminé le rapport de masses proton-électron avec 11 chiffres significatifs, une précision dépassant pour la première fois celle des méthodes plus traditionnelles de spectrométrie de masse.

Deux ingrédients ont été nécessaires pour obtenir ce résultat. D’une part, l’expérience réalisée à Amsterdam, qui utilise un nouveau schéma de spectroscopie à deux photons sans effet Doppler sur des ions piégés ultra-froids. D’autres part, les calculs d’électrodynamique quantique (QED) dans ces molécules simples, développés par les chercheurs français et russes, qui atteignent une précision comparable à celle de l’expérience. Pour cela, les différents termes de corrections de QED ont été obtenus analytiquement, puis calculés numériquement sur les clusters du LKB et du JINR, où certains termes ont nécessité plusieurs semaines de temps de calcul.

La valeur obtenue pour le rapport mp/me est en excellent accord avec la dernière mesure de la masse du proton par spectrométrie de masse (voir Fig. 1). A l’avenir, en conjonction avec d’autres mesures réalisées sur HD+ et H2+, ces résultats pourront être utilisés pour contraindre l’existence d’une éventuelle « cinquième force » entre hadrons et apporter un nouvel éclairage sur d’autres constantes fondamentales telles que la constante de Rydberg et le rayon du proton.

Article complet : Sayan Patra, M. Germann, J.-Ph. Karr, M. Haidar, L. Hilico, V. I. Korobov, F. M. J. Cozijn, K. S. E. Eikema, W. Ubachs, J. C. J. Koelemeij, Proton-electron mass ratio from laser spectroscopy of HD+ at the part-per-trillion level, Science 369, 1238 (2020).

A suivre : article de l’université d’Evry accompagné d’un portrait de Jean-Philippe Karr

 

Figure 1. Valeurs de mp/me déduites de la spectroscopie de HD+ (en bleu foncé), en désaccord avec les résultats utilisés dans l’ajustement 2014 du CODATA (zone marron), en très bon accord avec la mesure la plus récente incluse dans l’ajustement 2018 du CODATA (zone bleu clair) et légèrement plus précises.