Un nouvel éclairage sur les ordinateurs quantiques photoniques

Qu’est-ce qui différencie un ordinateur quantique d’un ordinateur normal – souvent appelé « classique » ?

Pour un utilisateur, la réponse la plus pertinente à cette question est sans aucun doute qu’un ordinateur quantique devrait être capable de résoudre certains problèmes très spécifiques beaucoup plus rapidement qu’un ordinateur normal. Ce n’est pas parce que nous sommes mauvais dans la construction ou la programmation d’ordinateurs, mais parce qu’il existe des différences fondamentales dans les propriétés physiques sur lesquelles reposent les ordinateurs classiques et quantiques.

Au cours des deux dernières décennies, un effort de recherche croissant a été consacré à la compréhension de ces différences fondamentales. Les informaticiens et les physiciens recherchent des problèmes spécifiques pour lesquels il peut être rigoureusement prouvé que les ordinateurs quantiques peuvent les résoudre efficacement alors que les ordinateurs classiques ne le peuvent pas. Ce concept est connu sous le nom d’avantage quantique.

Du point de vue du physicien, tout algorithme quantique se résume à la préparation et à la mesure d’un état quantique. La question qui se pose alors est de savoir quelles sont les propriétés physiques requises pour que la mesure d’un état quantique soit difficile à reproduire sur un ordinateur classique. Il est généralement très difficile de répondre à cette question, car nous devons tenir compte à la fois des propriétés de l’état quantique que nous préparons et de celles de la mesure que nous effectuons. Cela devient particulièrement clair lorsque nous examinons des problèmes tels que le « Gaussian boson sampling », où ni l’état ni la mesure ne sont compliqués en soi, mais où la combinaison des deux permet de démontrer un avantage quantique, comme l’ont fait l’USTC et Xanadu

Le « Boson Sampling » est une version quantique d’un tableau de Galton où de nombreux photons sont envoyés simultanément à travers un labyrinthe d’éléments optiques tels que des lames séparatrices. Contrairement au tableau de Galton où la configuration de sortie peut être facilement approximée, les photons qui se promènent dans un labyrinthe sont notoirement difficiles à suivre. Les nombreux croisements de leurs différents chemins possibles conduisent à des schémas d’interférence compliqués qui deviennent astronomiquement difficiles à calculer à mesure que le nombre de photons dans le labyrinthe augmente. L’approximation des configurations de sortie d’un « Boson Sampler » est devenue un problème paradigmatique qui est facile pour un ordinateur quantique mais complètement impossible pour un ordinateur classique. Bien que ce problème spécifique n’ait aucune utilité pratique à notre connaissance, l’étude du « Boson Sampling » est d’une importance fondamentale pour l’informatique théorique.

Le rang stellaire est un outil mathématique utilisé pour classer les états quantiques des systèmes bosoniques tels que la lumière. Un état quantique pur, c’est-à-dire un état sans aucun bruit, peut être représenté par une fonction holomorphe sur l’espace des phases. Ces fonctions prennent toujours la forme d’un polynôme multiplié par une enveloppe gaussienne. Le rang stellaire est défini comme le degré de ce polynôme. Pour des états quantiques plus réalistes avec du bruit, nous devons considérer une combinaison convexe de fonctions holomorphes et nous définissons le rang stellaire comme le polynôme de degré le plus élevé possible dans les fonctions holomorphes de la combinaison convexe. D’un point de vue mathématique, ce formalisme est intéressant car les fonctions holomorphes ont des propriétés intéressantes. Les résultats récents du LKB et de l’Inria donnent une signification beaucoup plus pratique au rang stellaire comme le nombre de photons qui peuvent contribuer à un calcul quantique.

Dans un travail récent, des chercheurs du LKB et de l’Inria ont trouvé une nouvelle façon de traiter cette question. Ils combinent des techniques d’optique quantique et d’informatique théorique pour montrer que pour toute combinaison d’état quantique et de mesure, il est possible de trouver une configuration équivalente dans laquelle les mesures sont entièrement classiques. Par conséquent, cette configuration équivalente présente toutes les propriétés requises pour un avantage quantique dans l’état.

Ce nouveau cadre a permis d’établir un lien avec le rang stellaire, une quantité introduite dans des travaux antérieurs. Alors qu’au départ, ce rang stellaire servait principalement d’outil mathématique utile pour caractériser les états quantiques, ces nouveaux résultats montrent qu’il est directement lié à la puissance de calcul. Plus précisément, les chercheurs ont constaté que plus que le rang stellaire est bas, plus que le système est facile à simuler. En ce sens, nous parvenons à l’interprétation naturelle selon laquelle le rang stellaire correspond au nombre le plus élevé de photons qui contribuent au calcul.

En outre, le nouveau formalisme identifie également un nouveau type d’intrication comme une propriété nécessaire pour que les résultats des mesures ne puissent pas être reproduits efficacement sur un ordinateur classique. Pour les systèmes optiques, nous identifions cela comme l’intrication qui nécessite l’optique non linéaire pour être générée.

Ces résultats ont plusieurs applications utiles. Tout d’abord, ils permettent de comparer la puissance de calcul de dispositifs photoniques très différents. De plus, ils peuvent aider à trouver de nouvelles implémentations expérimentales pour des protocoles quantiques tels que le « boson sampling ». Enfin, le fait de savoir quelles propriétés physiques sont essentielles pour identifier la puissance de calcul d’un dispositif quantique ouvre la voie à l’évaluation comparative de dispositifs de plus en plus complexes.

Pour aller plus loin… 

Article: U. Chabaud and M. Walschaers, Resources for Bosonic Quantum Computational Advantage Phys. Rev. Lett. 130, 090602 (2023)

 

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