Un qubit supraconducteur comme capteur ultrasensible dans le domaine radiofréquence

Une équipe du LKB a fabriqué un qubit supraconducteur dont la fréquence est la plus basse jamais réalisée, et qui permettra de réaliser des expériences impliquant des systèmes quantiques macroscopiques.

Le qubit transmon supraconducteur1 est un type particulier de qubit sur puce électronique couramment utilisé en informatique quantique. Il fonctionne généralement à des fréquences de l’ordre de plusieurs milliards de hertz, comme les smartphones 5G. Un signal micro-onde à une telle fréquence excite les transitions entre les états du qubit et permet de le contrôler. Une collaboration entre l’équipe Optomécanique et Mesures Quantiques du LKB, le LPENS, le CEA et l’INRIA a introduit une alternative novatrice à basse fréquence : un qubit supraconducteur fonctionnant à 1,8 million de hertz (MHz), établissant ainsi un nouveau record de basse fréquence pour ce type de dispositif. L’avantage de cette approche est que ce qubit pourrait interagir directement avec des résonateurs mécaniques vibrants à des fréquences similaires, permettant ainsi d’explorer des phénomènes quantiques à l’échelle macroscopique.

L’approche mise en œuvre consiste à utiliser un qubit fluxonium, qui avait déjà été démontré avec une fréquence de 14 MHz en 2021. Le qubit fluxonium comprend une boucle supraconductrice constituée d’une centaine de jonctions Josephson2, les deux états du qubit correspondant à des courants circulant dans la boucle dans le sens des aiguilles d’une montre et dans le sens inverse. La fréquence de transition est déterminée par la force du champ magnétique traversant la boucle.

Abaisser la fréquence de fonctionnement du qubit fluxonium posait des défis spécifiques, en raison du bruit thermique environnemental et des fluctuations du champ magnétique, qui pourraient compromettre ses propriétés quantiques. Pour y remédier, l’équipe a utilisé une technique de refroidissement inspirée des systèmes d’atomes froids et a ajusté le champ magnétique pour induire des états de chat de Schrödinger dans le qubit. Ces derniers sont connus pour leur résilience aux fluctuations du champ magnétique. Cette méthode a permis d’abaisser d’un facteur dix la fréquence de fonctionnement du qubit. De plus, les résultats expérimentaux démontrent la sensibilité exceptionnelle du qubit en tant que capteur de charge, capable de détecter de minuscules fluctuations quantiques dans une membrane.

Ces résultats sont publiés dans Physical Review X
https://journals.aps.org/prx/abstract/10.1103/PhysRevX.14.011007

 

1 Un qubit transmon est un circuit électrique supraconducteur composé d’une inductance non linéaire (appelée jonction Josephson2), c’est-à-dire dont l’impédance dépend du courant, associée en parallèle avec un condensateur de grande capacité.

2 Dans le domaine des circuits supraconducteurs, la jonction Josephson est une barrière de potentiel pour les électrons, à travers laquelle ils peuvent passer par effet tunnel. Elle est composée de deux couches supraconductrices séparées par une couche d’oxyde isolant. Suivant les paramètres choisis, elle peut se comporter comme une inductance linéaire ou non linéaire.