Un algorithme développé pour Netflix pour accélérer l’imagerie biologique ?

 

La spectroscopie Raman est une technique non invasive bien connue pour déterminer la composition chimique d’échantillons complexes. Par exemple, elle s’est révélée prometteuse pour l’identification des cellules cancéreuses, comme l’analyse de tissus à la recherche de pathologies. Bien que cette méthode soit remarquablement simple (aucune préparation d’échantillon est nécessaire), elle nécessite une vitesse d’acquisition d’images pour saisir la dynamique rapide des échantillons biologiques, ce qui n’est pas le cas à l’heure actuelle. De plus, le traitement de l’énorme quantité de données générées par l’imagerie spectroscopique prend beaucoup de temps, et constitue souvent une limite à l’étude de spécimens sur de grandes surfaces.

Dans le cadre d’une collaboration internationale à laquelle participent le LPENS et le LKB, une méthodologie a été mise au point pour relever simultanément deux défis : augmenter la vitesse d’échantillonnage et introduire un moyen plus simple d’obtenir des informations utiles des images spectroscopiques. Ces travaux ont été publiés dans la revue open-source Optica.

Pour accélérer le processus, les chercheurs ont modifié leur système Raman en remplaçant les caméras lentes et coûteuses par un modulateur spatial de lumière rapide et bon marché, basé sur des matrices de micro-miroirs. Ce dispositif permet de sélectionner des groupes de longueurs d’onde, ensuite captés par un détecteur à pixel unique très sensible.

Ce dispositif n’acquiert délibérément qu’une fraction des données nécessaires à l’imagerie spectroscopique Raman classique, comprimant ainsi les images au fur et à mesure de l’acquisition. Mais ensuite, ils complètent les données manquantes en exploitant un calcul très spécial : il s’agit de l’adaptation d’un algorithme développé à l’origine pour la prédiction des préférences cinématographiques de Netflix (2009) !

Les chercheurs ont testé leur nouvelle méthodologie d’imagerie sur des tissus cérébraux et des cellules individuelles, présentant tous deux une grande complexité chimique. Les résultats ont prouvé que cette technique permet d’acquérir des images en quelques dizaines de secondes, alors que le Raman traditionnel prenait généralement quelques minutes. Ils compriment en même temps les données acquises, ce qui réduit leur volume par un facteur 64 !

Les chercheurs pensent que cette nouvelle approche devrait fonctionner avec la plupart des échantillons biologiques, mais ils prévoient de la tester avec d’autres types de tissus pour généraliser leur démonstration. En plus des outils cliniques, la méthode pourrait être utile pour de nombreuses applications biologiques, telles que la caractérisation des algues. De même, ils veulent également améliorer la vitesse de balayage de leur système afin d’obtenir une rapidité d’acquisition de moins d’une seconde. Une telle avancée permettrait l’utilisation dudit algorithme pour des applications cliniques telles que la détection de tumeurs, ou l’analyse tissulaire.

Hilton B. de Aguiar, coordinateur de la collaboration, est titulaire d’une Junior Research Chair au département de physique de l’ENS.

Spectroscopie Raman

Légende 1: Imagerie Raman Compressive – Avec cette nouvelle approche, il est possible d’acquérir moins de données spectrales que ce qui est traditionnellement requis, puis utiliser un algorithme de complétion pour compléter les informations non enregistrées.

 

Légende 2 : Spectroscopie Raman d’un tissu cérébral — Barre d’échelle : 20 microns.