Les fluctuations quantiques de la lumière secouent les miroirs de Virgo

 

Un effet quantique mis en évidence pour la première fois dans les détecteurs d’ondes gravitationnelles Advanced Virgo et Advanced LIGO

 

La mécanique quantique ne régit pas seulement le monde des atomes et des particules élémentaires, elle affecte aussi le mouvement des objets macroscopiques, comme les miroirs de l’interféromètre Advanced Virgo (de 42 kg chacun). Pour détecter des ondes gravitationnelles, la collaboration Virgo (dont fait partie l’équipe Optomécanique et Mesures Quantiques du LKB) et son équivalent LIGO aux Etats-Unis utilisent la lumière laser pour mesurer de minuscules changements de longueur des bras de l’interféromètre, aussi petits qu’un millième du diamètre d’un proton. Pour cette raison, les miroirs sont maintenus aussi immobiles que possible et isolés de toutes les perturbations (ou « bruits ») possibles, qu’elles soient d’origine humaine ou environnementale. En l’absence de signaux d’ondes gravitationnelles et de toute source de bruit extérieure, les miroirs semblent néanmoins animés d’un très léger mouvement dû aux fluctuations quantiques de la lumière. Pendant la troisième campagne d’observation Virgo-LIGO (appelée O3, d’avril 2019 à mars 2020), ce bruit fondamental était réduit dans les trois détecteurs en « comprimant » la lumière, une technique de pointe en optique quantique, notamment développée au LKB depuis plus de 30 ans. Malheureusement, cette méthode a un inconvénient.

A cause d’une loi fondamentale de la mécanique quantique – l’inégalité de Heisenberg –, des fluctuations quantiques réduites sur la mesure du mouvement des miroirs provoquent en contrepartie une augmentation du « bruit de pression de radiation » : la force avec laquelle le flux de photons « tape » sur les miroirs fluctue plus fortement et les miroirs sont agités d’avant en arrière malgré leur masse.  C’est cet effet, prévu par la théorie depuis la fin des années 1970 et seulement mis en évidence en 2013 sur des nanorésonateurs mécaniques, qui a été vu pour la première fois sur un objet mécanique vraiment macroscopique comme les miroirs d’Advanced Virgo. Ce travail vient d’être publié dans Physical Review Letters. Un article similaire a également été publié par la collaboration LIGO.

Pour augmenter encore les performances du détecteur, les chercheurs de Virgo développent, notamment au LKB, une nouvelle technique, appelée « compression de la lumière dépendante de la fréquence ». En effet, le bruit de mesure limite la sensibilité du détecteur à haute fréquence, alors que le bruit de pression de radiation ne perturbe la détection des signaux qu’à basse fréquence. Sortir de cette impasse n’est pas simple car si la sensibilité du détecteur est améliorée à haute fréquence, certaines sources seront plus faciles à détecter ; par contre, d’autres types de sources qui émettent des signaux à basse fréquence seront pénalisés. Mais la nouvelle source de lumière comprimée permettra de réduire simultanément les bruits dus à la nature quantique de la lumière à basse et haute fréquences. La mise en œuvre de cette technique est un des objectifs principaux des travaux d’amélioration en cours sur le site où est installé Virgo (le European Gravitational Observatory, près de Pise, en Italie) et qui doivent se poursuivre encore plusieurs mois.

Source de lumière comprimée dépendante de la fréquence, développée en collaboration entre le LKB et l'IJCLab à Orsay.

Source de lumière comprimée dépendante de la fréquence, développée en collaboration entre le LKB et l’IJCLab à Orsay.         La lumière comprimée est d’abord créée dans le cristal sur laquelle est focalisée la lumière verte. L’ensemble des composants optiques sert à envoyer cette lumière dans une cavité qui lui ajoute la propriété d’être adaptée à toutes les fréquences. (Crédit : P. Gruning – IJCLab – CNRS, Orsay)

 

Article : https://journals.aps.org/prl/abstract/10.1103/PhysRevLett.125.131101