Naissance de la double résonance et du pompage optique

Pendant les années passées aux USA, Jean Brossel était resté en étroite relation épistolaire avec son professeur A. Kastler. C’est au cours de ces échanges d’idées que naquit le concept des expériences de double résonance (optique et hertzienne) qu’ils publièrent en commun en 1949 aux Comptes Rendus de l’Académie des Sciences. La première vérification expérimentale, sur l’atome de mercure, était alors réalisée au MIT par Jean Brossel et Paul Sagalyn sous la direction de Francis Bitter, et publiée en 1950 dans la Physical Review.

En 1951, Jean Brossel rapportait dans sa valise l’ensemble des résultats obtenus au MIT, sur l’observation de la Résonance Magnétique (hertzienne) entre sous-niveaux Zeeman d’un état excité (optiquement) du mercure. Ils lui permettaient, en décembre 1951, de soutenir sa thèse d’état française ; peut-être faut-il attendre ce mois de décembre pour fixer la date officielle de création du laboratoire. Mais dès le mois d’octobre 1951, Jean Brossel prenait en charge la direction d’un nouvel étudiant stagiaire pour la durée de l’année universitaire, Jacques Winter (on appelait « diplomitifs » à l’époque ces étudiants qui préparaient le « diplôme d’études supérieures » intercalé entre la licence et l’agrégation, avant la création des doctorats de 3ème cycle et des maîtrises).

Il s’agissait de construire un nouveau dispositif de jet atomique de sodium, en vue de l’observation du pompage optique. En effet dans la foulée de la double résonance, Kastler avait proposé au journal de Physique en 1950 une généralisation, aux états fondamentaux des atomes, des possibilités offertes pour les états excités avec la double résonance. Cette généralisation reposait sur la conservation du moment cinétique dans les échanges entre les atomes et la lumière polarisée circulairement (dans la droite ligne de sa thèse en 1936) ; pour cette nouvelle méthode il proposait le nom de « pompage optique » Mais les premières tentatives rapides de l’observation du phénomène, tant aux USA qu’à Paris, avaient échoué ; sans doute en raison d’irradiations lumineuses imparfaites, ou de relaxation trop rapide par collisions.

Ce nouveau jet atomique permettait à Jean Brossel de faire la première observation en août 1952, et la publication de ce résultat au journal de Physique en décembre 1952. L’année suivante, Brossel installait sur le jet atomique une boucle de radiofréquence avec l’aide d’un nouveau « diplomitif » Bernard Cagnac. L’utilisation des générateurs hyperfréquence de puissance (achetés à bas prix par le professeur Yves Rocard aux surplus militaires américains, avec l’argent de la marine française) permettait la première observation optique de la Résonance Magnétique dans un état atomique fondamental, et en particulier des transitions hertziennes à multiples quanta entre les sous-niveaux Zeeman de cet état fondamental. Le même type de transitions multiples en résonance magnétique était observé à peu près simultanément par P.Kusch sur le potassium, avec la méthode de Rabi, à Columbia University. (Mais les premières transitions à multiples quanta avaient été observées, sur un autre type de transition, par Hughes et Grabner dès 1950).

Ce jet atomique était installé au sous-sol de la rue Lhomond, dans l’ancienne salle du spectroscope à réseau de Bruhat, encombrée de son socle circulaire en béton, sur fondation indépendante du bâtiment. L’intérêt des visiteurs étrangers, se frayant un passage à travers ce fouillis, aurait pu donner la grosse tête aux « diplomitifs » de l’époque, en situation de ressembler à l’âne portant les reliques dans la fable de La Fontaine. Brossel ne renonçait pas pour autant, à observer le pompage optique dans des cellules de vapeur, moins encombrantes que le jet. Ce fût la tâche des deux « diplomitifs » suivants : Jean-Pierre Barrat en 1954 fit la première observation dans des cellules de gros diamètre ( 15cm, laissant le temps d’orienter les atomes entre deux collisions successives sur les parois) ; Jean Margerie en 1955 démontra, avec l’hydrogène, l’efficacité des gaz tampons, qui par leurs collisions « douces », non désorientantes, retardent les collisions plus agressives sur les parois de la cellule.

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